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moutons qu’à causer choses de la mer !… Pas moins que tu devrais t’en souvenir car tu faisais déjà un fier galopin quand c’est arrivé, même que le pays était plein de naufragés, à preuve qu’il y en avait jusque chez ton père, ainsi ! Demande plutôt à tante Rosalie ?

— Et Tonton Corentin, qu’est-ce qu’il en pense ? interrogea l’interpellé frappant sur l’épaule de son plus proche voisin.

Celui-ci secoua la tête :

— Je pense qu’il se pourrait bien qu’il y ait bientôt du brave monde dans l’embarras !

Les conversations tombèrent, tous les regards se fixant de nouveau sur la mer, et Lagadec, un maigre entre deux âges, la cervelle embuée de superstition, protesta sourdement :

— Il a tort de parler comme ça, le patron, les malheurs arrivent assez tôt tout seuls sans qu’on les appelle par de mauvais mots !

D’autres songeaient aux avaries possibles dans les barques follement secouées et dont la membrure craquait parfois, dominant le tapage de l’ouragan ; ils pensaient à la pêche rendue impossible peut-être pour plusieurs jours, à la misère des temps actuels, au chômage forcé et à tout ce qui semblait s’attaquer avec une si désolante persistance à leur unique gagne-pain, la sardine.

Cependant une tendresse les réunissait là autour de ce colosse qu’on venait d’appeler d’un nom