Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ça force encore ! dit l’un, l’œil au loin.

— En 1863, j’ai vu dix-sept bâtiments à la fois à la côte, par un temps qui valait celui-ci ; ils sont tous allés à Trez-Rouz, à la Mort Anglaise, dans ces damnées roches de la route de Quelern : il y en a eu, du massacre !…

C’était un ancien du pays, un homme de petite taille, aux reins cambrés, aux épaules puissantes, des cheveux blancs bouclant dans le cou sous une casquette entrée jusqu’aux yeux ; il parlait, une main enfoncée dans la poche de sa jaquette de toile bleue, l’autre balançant une longue-vue dont il venait de se servir pour surveiller la tenue des bâtiments ancrés aux environs du phare, et ses viviers à homards placés entre la jetée et la dangereuse falaise.

Retraité après des années de service, ancien garde de phares et de sémaphores, il faisait le commerce du poisson et passait pour l’un des plus riches mareyeurs de Camaret.

— Oh ! ce père Balanec, c’est comme maître Guivarcʼh, il a tout vu !… ricana amicalement une face rouge, une bonne boule de loustic aux yeux malins, un bout d’homme bien proportionné, campé sur des jambes nerveuses, le torse carré, les bras à moitié nus, une mine sympathique et plaisante.

— Toi, Marhadour, faut croire que tu t’entends mieux maintenant à saigner tes veaux ou tes