Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chique, s’abritant les sourcils de sa main pour examiner le ciel qui fonçait de plus en plus.

— Pas une mer de vent non plus celle-là ! mais de la lame de fond ! remarqua un solide camarade, dont le bras tendu montrait l’écume voletante au-dessus du large mur qui conduit à la chapelle et au fortin.

Toute l’étendue visible entre le port et la côte de Léon était sombre, d’un vert noir, profond, rayé de distance en distance de franges blanches, et, à la base du Grand-Gouin, une barre neigeuse roulait, s’éparpillant en panaches énormes, n’arrêtant pas un moment et trahissant la grossissante fureur du flot.

Hommes et femmes, tous vivant de la pêche, leur préoccupation, leur souci, c’était ce vent furieux qui labourait l’Océan comme le soc monstrueux d’une invisible charrue, creusant le gouffre des vagues, se lançant sur le pays, en bête sauvage et vorace, avec son lugubre hurlement de mort, sa grosse voix de tempête.

Sur une des assises les plus élevées de l’espèce d’escalier naturel taillé dans le morceau de falaise rocheuse, à laquelle s’appuie la dernière maison de Camaret vers l’ouest, au-dessus de la partie du quai rejoignant la route du Toulinguet, des pécheurs se tenaient debout, assis ou étendus, dominant ainsi la rade et pouvant voir, par-dessus la jetée, l’entrée du Goulet, le phare du Petit-Minou et la sombre côte de Léon.