Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mer ; dès qu’un banc est en vue, comme les mulets suivent toujours les côtes de très près, on essaie de les cerner et de les envelopper de ce filet disposé en rideau, maintenu au fond par des balles de plomb, à la surface par des morceaux de liège.

Peu à peu, le filet, tiré de chaque côté, rétrécissait son demi-cercle, dont le centre était amarré par les gens du bateau ; les hommes entrèrent dans l’eau, pour lever le plus haut possible la partie garnie de liège et empêcher le poisson pris de s’évader par-dessus.

— Ah ! gredin, je te rattraperai la prochaine fois ! — grondait Marhadour, toutes les fois qu’un mulet plus agile franchissait d’un bond le filet et allait se perdre au loin.

Déjà on voyait grouiller dans une eau limoneuse la masse des prisonniers, donnant de la tête dans le réseau serré des mailles, battant follement de la queue ; mais, au centre une masse plus grosse attira les yeux de Balanec :

— Que diable avons-nous cueilli là ?

— Quelque méchant bout de bois bon à crever le filet ! fit Corentin.

Sur le sable les mulets se débattaient vainement, se soulevant par sauts, bâillant leur agonie sous l’asphyxie progressive de l’air, mêlés à de petites raies, à des étrilles, des crabes, tout le menu fretin de l’Océan.