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main. À présent il ne doutait plus, c’était Hervé.

Un claquement de fouet coupa l’air, des grelots tintèrent : la carriole des Moal partait, au milieu d’aboiements de chiens, de cris d’enfants.

— Bah ! dit Pierre Guivarcʼh, il aura été tirer quelque bordée à Brest, et nous allons le voir revenir demain ou après-demain !… Il a mieux fait !

Cependant au fond de lui une crainte vague persistait, un pressentiment que ce n’était pas là la vérité, et ce fut comme un voile funèbre endeuillant la joie des nouveaux époux.

Puis ce brouillard prit vraiment mauvaise figure. Au lieu de se lever ainsi que cela arrivait souvent, avec le mouvement de la marée, après s’être quelques instants déplacé, éclairci, il revint dans l’après-midi plus épais, empêchant les rayons du soleil d’arriver jusqu’à la terre, couvrant uniformément les côtes, les écueils, la mer ; malgré le calme pas un pêcheur n’osa s’aventurer au delà de la jetée.

Dans la nuit qui suivit, sur les onze heures, ce rideau laiteux s’envola, déchiré par un vent d’abord léger, ensuite de plus en plus violent, dont les miaulements aigus sifflèrent longuement aux joints des fenêtres, aux fissures des portes. La mer se couvrit de moutons écumeux, jetant de courtes vagues contre le quai.

— Oh ! diable ! songea Pierre Guivarcʼh, qui avait veillé assez tard et se préparait seulement à se