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leur, sans pitié. Ce matin, Marhadour lui dit, pour le toucher, pour savoir s’il restait en lui quelque chose de sensible, d’humain :

— Possible qu’un de ces jours, elle y reste, vous savez ! C’est pas un métier pour une jolie fille comme elle ; vous feriez bien mieux de la marier, vous auriez des petits-enfants, c’est gentil !

Une moue mauvaise, bestiale, crispa ses lèvres de parchemin ; ses yeux brillèrent, impitoyables :

— Ma Doué ! qu’elle crève pourvu que je vive, moi !

— Vous êtes encore solide pour quelqu’un qui s’est toujours privé de tout ; mais à qui laisserez-vous votre fortune ? insinua le boucher.

— À personne !… Je vivrai cent ans et plus !…

Vigoureux, encore droit, il sembla narguer tout le monde dans sa superbe de sordide avare, achevant de harnacher son maigre bidet, avec la même impassibilité, tandis que sa fille, l’air triste, tête basse, n’osait regarder personne, ni rien dire.

Tante Rosalie allait insister encore, quand une voix, derrière le groupe, annonça :

— Personne ; j’ai ouvert sa porte, il n’a pas couché cette nuit !

C’était Lagadec, toujours préoccupé de son patron et qui revenait du Styvel, où le lit non défait, la chambre vide prouvaient qu’Hervé Guivarcʼh n’était pas rentré chez lui.

En même temps, la brume, se levant un peu, dé-