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tains moments, le pli amer qui crispait les lèvres d’Hervé, elle eût eu moins de confiance dans la réussite de ce mariage. Mais elle n’entendait que son rire bruyant, que les chansons jaillies de son gosier, ne voyait que son entrain à la danse, aux divertissements organisés par lui ; surtout elle avait tant d’envie de voir le pauvre garçon bien tourner, qu’elle prenait pour un fait accompli ce désir qu’elle caressait de concert avec le maître de port, un mariage auquel elle poussait fortement Hervé depuis quelque temps, depuis qu’on le voyait résigné, échangeant des poignées de main avec Garrec, acceptant cette union de sa cousine avec le patron du canot de sauvetage.

Corentin était si heureux lui-même, si débordant de bonheur, qu’il voulait voir tout le monde content, et qu’il avait accueilli avec enthousiasme le projet de tante Rosalie, disant :

— Certes, c’est là un excellent choix ; cette pauvre Bernardine n’est pas heureuse avec son vieil avare de père, avec Hervé elle sera comme dans le paradis : elle est fort gentille, il l’aimera !

Seule, Mariannik avait hoché la tête :

— Je ne crois pas, moi !

Mais, en ce jour, elle oubliait tout pour se réfugier dans l’ivresse profonde qui l’enveloppait depuis le matin. La journée, avec son soleil étincelant, son grand ciel pur, passa pour elle avec une rapidité dont elle ne se rendit pas compte.