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celle du Grand-Gouin, de l’anse de Bertheaume au Goulet, la mer était noire, d’un noir ondulé, frémissant, comme une moire vivante.

Le pêcheur aspira avec délices l’air frais que lui envoyait une brise légère soufflant de l’est, et, s’accoudant à la fenêtre, songea, tandis que, insensiblement, l’astre s’élevant sans se laisser voir encore, le ciel passait par des nuances successives, du saumon au rose, du rouge vif à l’or liquide, avant d’arriver à l’aveuglant éblouissement des rayons et à l’azur impeccable, à peine zébré de transparentes bandes blanchâtres, écharpes de nuages vaporisés.

Un tel flot assaillait le cerveau de Garrec, qu’il ne parvenait pas à mettre de l’ordre dans ses pensées, heurté par l’entassement des souvenirs récents, bousculé par les événements qui s’étaient en un si court espace de temps rués sur lui pour l’arracher à la placide monotonie de sa vie habituelle.

C’était surtout ce voyage à Paris, ce gros déplacement l’ayant enlevé, durant quarante-huit heures, à son milieu, à son entourage familier, qui, bien que terminé depuis près de trois semaines, revenait encore le harceler de ses péripéties inoubliables, et dont tous les détails, même ce matin-là, affluaient violemment en lui, l’égayant et l’étonnant tour à tour.

Jamais il n’aurait pu imaginer cela ; non jamais ? Si on lui en avait parlé autrefois, il eût cru à la