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passe que de petits incidents, une bonne pêche, un héritage, où les morts n’ont pas de prise très violente sur le courant journalier, tant est habituelle la vision de la mort, l’accoutumance de la misère, de l’existence rude et pénible, cette croix donnée à l’un de ces héros modestes, ignorés, à qui on ne la prodigue pas, fut un événement.

Cela comptait donc là-bas, en haut lieu, leur existence constamment risquée pour les autres ? C’était comme un reflet de la justice tombant tout à coup sur eux, les réchauffant jusqu’au cœur.

À la fin de la soirée, après de nombreuses santés portées au nouveau légionnaire, le commissaire lui apprit qu’il restait une dernière formalité à remplir, c’était d’aller chercher sa croix lui-même à Paris, où elle lui serait remise, selon l’usage, en séance solennelle, par le président de la Société centrale de sauvetage des naufragés.

— À Paris, ma Doué ! Vous n’y songez pas ! Qui voudrait d’un pêcheur comme moi !…

Il s’entêta dans un refus obstiné, disant qu’il préférait se passer de la croix que de faire un pareil voyage, et qu’on le trouverait tout de même toujours prêt à sauver les équipages en danger.

Qu’irait-il faire là-bas, bon Dieu ! Il se croirait plus perdu qu’à cent lieues des côtes, en pleins brisants !

Mais le comble fut lorsqu’il sut qu’il lui faudrait