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chée sur le flanc gauche, coupant la mer de son avant effilé. À l’arrière, un homme debout, appuyé à la barre, paraissait regarder du côté des pêcheurs de maquereaux.

— Elle vient sur nous, patron ! observa le mousse.

— Tiens ! tiens !… Peut-être qu’il croit l’endroit bon ? Il n’a pas tort ! riposta Garrec.

Intérieurement, il revoyait ce jour où, revenant de la pêche à la sardine, Hervé l’avait accosté pour lui causer si drôlement de Mariannik ; n’allait-il pas encore venir lui chercher noise ?

Ses poings se crispèrent malgré lui, et sa figure bonasse eut une contraction de colère, pendant que tout au fond de lui, dans ce limon vaseux du cœur humain, même le plus honnête, même le plus parfait, courait sourdement le vague regret de l’avoir sauvé, aux Pierres-Noires, et sauvé malgré lui :

— Il voulait mourir, j’aurais dû le laisser !

La Marie-Anne accostait la Corentine ; au moment où Garrec, essayant de chasser sa mauvaise humeur, relevait la tête, ses regards rencontrèrent les yeux d’Hervé, des yeux plutôt attristés et honteux que durs et haineux comme d’habitude.

Ce fut le Revenant qui débuta :

— Corentin, nous étions amis, autrefois, quand nous jouions sur le quai ; t’en souviens-tu encore ?

Le patron du canot de sauvetage, le visage détendu, tout surpris, répondit :