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houle d’acclamations accueillant sauveteurs et naufragés ; mais cela est rare et de peu de durée ; chacun en eût fait autant si l’occasion s’était présentée, toutes ces existences de pêcheurs et de marins ne paraissant pas compter, tant la sublime folie du dévouement coule à pleins jets dans leurs veines, inonde leur cœur de sa liqueur généreuse.

Ils vont à la mort, comme on va au devoir, sans hésiter, sans regrets, la nuit, le jour, à toute heure, en toute saison, dans une simplicité instinctive d’êtres dont le métier est de se sacrifier, de sauver, de périr pour les autres, de quitter ceux qu’ils aiment le mieux pour courir au secours d’inconnus en péril mortel.

— Pauvre petite Yvonne ! murmurait par instants Garrec, en amenant posément sa ligne, au bout de laquelle se débattait quelque belle pièce.

En effet, il ressentait une certaine satisfaction d’avoir recueilli la malheureuse enfant, un contentement plus grand d’avoir contribué à la sauver, que s’il avait eu affaire à quelque robuste pêcheur, capable de se défendre, de lutter contre la mer.

Cette innocente l’attendrissait comme un tout petit enfant, inconscient du mal et de la souffrance.

Son cœur avait de ces douceurs amollissantes pour tout ce qui était faible, pour tout ce qui était désarmé contre la violence de la nature ou des