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mystère des formes fallacieuses de la nuit ; cependant il restait, attendant toujours, trempé d’eau de mer, glacé par le souffle brutal qui venait du large, toujours avec la même foudroyante vitesse.

Pendant ce temps, à Camaret, malgré la nuit, malgré l’accroissement de la tempête, Tonton Corentin dirigeait la manœuvre pour la mise à l’eau du canot de sauvetage.

C’était au hasard qu’on allait partir, sans doute à la mort, à une mort presque certaine, et sans savoir au juste s’il y avait espoir de sauver quelqu’un ; mais une barque avait coulé, il y avait des victimes, rien ne prouvait qu’elles fussent englouties : il fallait s’en assurer. Pas un homme ne recula.

Quand ils passèrent devant le phare, le curé de Camaret, revêtu de ses ornements sacerdotaux, attendait sur la jetée ; les larmes aux yeux, prononçant les paroles latines des derniers moments, il fit sur eux le signe de la croix, les bénissant et leur envoyant l’absolution, le pardon de leurs péchés in articulo mortis, comme à ceux qui vont mourir.

Trois fois le canot tenta inutilement de doubler la pointe du Grand-Gouin, trois fois il fut repoussé par le courant, drossé jusqu’au milieu de la rade ; une fois même on le crut emporté dans le Goulet, tellement il se rapprocha de la pointe des Capucins.