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montante déferlait terriblement, balayant la jetée d’une poussière d’écume qui retombait en pluie jusque dans les eaux plus calmes du port.

Bientôt on aurait pu compter près d’un millier de barques, qui étaient venues chercher un abri à Camaret, et les équipages, descendus à terre, leur poisson vendu, commencèrent à mener grand train dans les débits et dans les cafés.

Ils étaient là comme en pays conquis, se trouvant trois fois plus nombreux que les Camaretois, buvant, mangeant, se querellant, faisant partout la loi, avec l’insolence de leur nombre et de leur force. Déjà bien des batteries avaient eu lieu, que l’unique gendarme de la localité était tout à fait incapable de pouvoir empêcher ; aussi laissait-on faire, dans l’impuissance de réprimer ce désordre, de se défendre contre cette horde violente.

On aurait dit d’un port pris d’assaut, mis au pillage ; jusque dans les champs, là-haut, autour des moulins, vers Pen-hat, Lagatjar, Kermeur, il y en avaient qui rôdaient, volant des pommes de terre, des choux, des carottes, avec l’égoïste rapacité de gens qui ne possèdent rien sur terre et ne vivent que sur l’eau, en pirates.

C’était toujours avec une certaine anxiété que les gens de Camaret, d’humeur plus douce, voyaient arriver ces avalanches de Douarnenéziens, et les plus prudents se calfeutraient pour éviter d’avoir quelque mauvaise affaire avec eux.