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mât au bateau qu’il s’amusait à fabriquer en ses heures de loisir, pour occuper ses doigts, comme il disait. C’était curieux de voir l’habileté de ces lourdes mains noueuses, à demi ankylosées par les années de dur service, manœuvrant adroitement les petites poulies, les fétus de bois, les vergues, tous les minces objets délicats, déjà sortis du fil de ce gros eustache à manche de corne.

— Allons, viens t’asseoir là, et causons.

Machinalement le pêcheur avait pris une chaise. Son béret entre les mains, toujours souriant, il balançait la tête, ne paraissant savoir comment entamer l’entretien. Se décidant enfin, il louvoya par cette remarque :

— Un bateau que vous faites, capitaine ?

— La Triomphante elle-même, rien que cela ! répondit Pierre.

— Ah !

— Un fameux, je t’en réponds ! Si tu l’avais vu au jour d’alors dans les mers de Chine, ça qu’était beau !…

L’autre acquiesçait, n’osant plus interrompre, voyant le bonhomme parti pour une de ces histoires que le plus mince prétexte déroulait sur ses lèvres, interminablement, comme, par les bossoirs, la chaîne d’une ancre qu’on jette à la mer.

— …Sais-tu qu’elle nous a menés à la prise de sept villes, tel que je te le dis ! En voilà une