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amertume. Derrière lui, les conversations bruissaient, roulant des voix différentes, des interjections, des plaintes, tous les griefs des pêcheurs contre la sardine, qui frappaient vaguement ses oreilles, le mettant malgré lui au courant du commerce camaretois avec ses hauts et ses bas.

— Des années tout de même qu’elle ne donne plus, cette sardine !…

— Oh ! elle donne bien pour d’autres, pour les Espagnols, ma Doué !… Avant, les ports de là-bas ne pêchaient pas la sardine ; maintenant ils s’y mettent tous, avec le Portugal ! et eux pas besoin de rogue pour la prendre ; ils n’ont qu’à jeter le filet ; ils les prennent à la senne, c’est un vrai massacre ! Voilà ce qu’il y a, je vous le dis ; aussi trois et cinq francs le mille, tant qu’on veut, par là ! affirma Balanec avec son autorité rude d’ancien.

— Comment lutter, quand on la vend trente-deux francs à Douarnenez et vingt-trois ici, cette année !…

— Peut-être bien aussi un déplacement de ce Gulf-Stream, qui ne viendrait plus effleurer nos côtes comme autrefois !… il y en a qui disent cela !… opina Marhadour, clignant ses yeux malins. — La sardine, ça aime l’eau chaude, faut croire, comme une demoiselle à la peau fine !…

— Tout change, que voulez-vous ! raisonna le vieux mareyeur. C’est comme pour les grands bâtiments ; avant l’envahissement général de la navi-