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variable, que les pêcheurs hésitaient à frayer avec lui, et que les hommes de son bateau ne restaient que parce qu’il les payait toujours, que la pêche fût bonne ou mauvaise, avec un étonnant désintéressement, les dédommageant les jours où l’on ne ramassait rien dans les filets.

Par contre, il les emmenait en tout temps, ne paraissant craindre ni Dieu ni diable, luttant avec les mers les plus démontées comme s’il eût pris plaisir à braver le danger, à provoquer cet Océan, qui, deux fois, avait failli l’engloutir.

Puis il disparaissait des jours complets, parfois toute une semaine, et l’on ne savait quelle vie il menait, ni, au juste, dans quels endroits il allait.

Tantôt on l’avait rencontré, à Douarnenez, dans des bagarres formidables avec ces grands gaillards de Douarnenéziens, les Russes, comme on les nomme à Camaret, toujours à batailler, des disputes grondant perpétuellement autour d’eux, même entre eux, sur leurs coquilles de noix, où ils se dévorent ainsi que de vrais sauvages, les jours d’ivresse. Tantôt il avait été vu à Brest, à Recouvrance ou dans le bas de la rue de Siam, courant les bouges à matelots, avec des équipages en bordée.

Des légendes commençaient à l’envelopper, soulignant, aggravant l’effet déjà produit sur les cerveaux camaretois par sa vie mystérieuse de naufragé, par ses aventures inconnues et par ce