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Tous les jours c’est ainsi, et la mer, la grande purificatrice, revenant régulièrement, balaie, absorbe la décomposition de l’humanité, avec ses sels salubres, ses iodes, l’éternel mouvement de ses eaux.

Là dedans, entre les barques couchées sur le flanc, une marmaille pataugeant, jambes nues, à la poursuite des crabes, des petits poissons, ou faisant manœuvrer sur quelque flaque luisante un canot grossièrement taillé, muni d’un mouchoir à carreaux pour grand’voile.

Hervé Guivarcʼh, un peu séparé des camarades, oubliait la rogue, la pêche, les discussions ; penché là, sur le bord du quai, il suivait machinalement d’un œil soudain intéressé les jeux de ces bambins. Par lentes bouffées, des souvenirs de son enfance lui remontaient au cerveau, glissant les uns sur les autres, se superposant à la manière des premières lames minces qu’on apercevait déjà, annonçant le commencement du retour de la marée, par ce temps de calme plat, et s’allongeant en insensibles nappes d’huile, silencieusement.

Lui aussi avait joué dans cette même vase poisseuse avec ceux de son âge, tous ceux qui, comme lui, avaient grandi, avaient vieilli, devenant des hommes ; mais tandis qu’un sort fatal le faisait grandir loin de sa patrie, dans la mêlée sombre d’une furieuse et souvent sanglante lutte pour la