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La femme se tenait, le poing sur la hanche, verbeuse, la face colorée, une veuve qui avait plusieurs commerces, faisant aussi la sardine pressée, en tonneaux ou en paniers, pour la consommation des campagnes.

En ce moment où la pêche commençait, où les premiers bancs étaient signalés, ayant fait venir du vieux port de Bergen, en Norvège, les premiers barillets de rogue de la saison, elle restait là, attendant les amateurs, irritant les convoitises autour de ce précieux appât qui coûtait si cher.

Un groupe enveloppait le tas de tonneaux, d’où s’échappait une odeur forte, écœurante, qui dominait les autres émanations du port, pour l’instant à sec, à marée basse, et envoyant des bouffées d’air insupportables pour d’autres narines que celles des pêcheurs.

Sous le soleil, en effet, une herbe verte, sorte de gluante mousse de mer, s’étalait par larges plaques, cachant à demi la vase noire amassée dans le fond. Au milieu de cette boue fétide, surtout aux abords des cales, des détritus de toute sorte s’entassaient, se confondaient, sardines, maquereaux en partie rongés, coquilles vides, débris de homards, carapaces de langoustes, dormeurs aux pinces brisées, morceaux de chaînes, bouts de câble, chaussures, vaisselle hors d’usage, tout ce qu’on jette à la mer, dans les ports, comme à l’immense boîte aux vidures, le grand déversoir des ordures humaines.