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De la tristesse entrait en elle, gonflée, énorme, comme une lame sourde venant lui ravager l’âme ; et elle se sentait faible, d’une désespérante faiblesse de tout petit enfant prêt à pleurer.

Tonton Corentin, les bras croisés sur ses durs pectoraux, l’œil au loin, fit tout haut :

— La sardine va revenir !… Un fier temps pour la pêche !…

Un âpre désir de l’étendue immense gonflait ses narines, faisait flamber ses prunelles, qui, peu à peu, prenaient les teintes changeantes de la mer se reflétant en elles, le reprenant tout entier passionnément.

Le pêcheur, le marin, l’amoureux de l’Océan se réveillait en lui, brusquement ; même aux côtés de celle qu’il désirait pour femme, qu’il aimait, il ne pouvait oublier l’autre, la grisante ensorceleuse.

Mariannik eut un soupir ; puis son sang de Bretonne afflua au cerveau, plus vif, plus jeune, lui rendant l’espoir, le courage, la fierté.

N’était-ce pas, après tout, pour cela qu’elle allait à lui, pour sa force, pour sa hardiesse, pour ce cœur d’or qui le jetait sans hésitation à tous les dévouements, à tous les périls ? Et, en elle, éclatait une envie de lancer à son tour, en cet instant qui allait décider de sa vie entière, le beau cri du danger, le cri sublime du marin :

— Adieu va !