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presque à pic, dégringolant l’autre versant et murmurant parfois, dans la crainte de la voir tomber :

— Prenez garde !

C’était la première fois qu’il faisait attention à un péril quelconque, tremblant au bord de cette coupure de la falaise, s’éboulant chaque jour un peu plus en pluie de pierres sur la plage de galets qui précède le Toulinguet et se creuse sur son flanc droit.

Ils atteignirent la route qui monte au fort ; devant eux, s’étendaient les dunes blanches, avec leur herbe mince et rare, leurs chardons bleus d’une coloration si exquise, leurs liserons, leurs coquillages, les mille bosselures semblables à des vagues que le vent bouleverse, transforme incessamment, que les fortes lames des grandes tempêtes soulèvent en tourbillons, et sur lesquelles s’abat l’embrun salé, la poussière humide de l’Océan, qui dessèche et qui brûle.

Plus aucun mot ne leur venait aux lèvres ; sans pouvoir analyser leur trouble, ils subissaient, émus, la grande mélancolie désolée de ce surprenant coin de Bretagne, à l’extrême limite du monde, de la civilisation, de la vie.

Mariannik songeait :

— C’est là-dessus que s’écoule la vie de Corentin, c’est pour aller là qu’il me quittera toujours, malgré toute tendresse, malgré tout amour, malgré tout !