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griserie les entourait, leur donnant le vague et profond vertige de leur bonheur.

Sous le froissement de leurs pieds la lande dégageait son délicat arôme de printemps, qui était comme une encourageante caresse de la nature ; ajoncs d’or, bruyères roses et bruyères rouges aux feuilles d’un vert si persistant, immortelles sauvages, genêts aux fleurs jaunes, mauves, rosâtres, églantiers, baumes odorants, tous étaient complices, étalant autour d’eux un tapis d’une variété infinie.

Leur odeur, venant se mêler au souffle salé de la brise marine, à la fumeuse senteur des usines à sardines, aux bouffées jetées par les amas de rogue, de strong, mais amoindries par l’éloignement, était l’odeur de la Bretagne des bords de l’Océan, de ce pays primitif, où tout est rude et doux, d’un parfum à peine sensible ou d’une âcreté pénétrante, envahissante, spéciale.

De temps en temps fuyaient à leur approche des groupes de moutons noirs, bruns ou blancs, l’œil clair, luisant et bête, paissant çà et là, se sauvant aussi loin que le leur permettait la longue corde retenue par un coin de fer fiché dans le sol. Au-dessus du Grand-Gouin, des corbeaux tournoyaient, leur bec et leurs pattes d’un rouge vif tranchant sur le noir de leur plumage, et des cris ininterrompus accompagnaient leurs ébats, se confondant parfois avec la plainte rauque d’une mouette