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Guvarcʼh à son foyer, elle éprouvait un tel soulagement à ne plus sentir en cet instant sa pénétrante prunelle peser sur elle, qu’il lui semblait être délivrés d’une fascination, d’un sort jeté, et que son cœur, libre enfin, volait tout seul au-devant de celui qui venait là-bas, sorte de Messie d’amour, toujours appelé, quelques mois méconnu, presque renié, et brusquement retrouvé, réapparu.

Il est certain que, durant des semaines, elle avait paru le fuir ; elle avait évité toute occasion de se rencontrer seule avec lui, en restant aux banalités de conversations passagères, aux sourires vagues, aux indécises pressions de main.

Quelque chose d’épais, d’opaque, de dangereux, comme une de ces terribles brumes bretonnes, où se perdent les navires, où se heurtent les barques, se dressait entre elle et lui, noyant les doux souvenirs, les espérances presque réalisées, rejetant dans la nuit incertaine cet amour à peine né, et faisant sombrer toute joie au fond d’elle.

Une fureur sourde bouleversa longtemps le cœur de Corentin à cette transformation, qu’il comprit immédiatement, qu’il sentit mieux que tout autre et dont l’auteur principal ne pouvait lui rester inconnu.

Comme il le détesta ! comme il le maudit ! Ainsi c’était celui-là même qu’il avait sauvé au péril de sa vie, c’était cet homme qu’il avait été arracher