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vissant le sentier étroit qui longe la falaise et glisse entre les champs d’ajoncs épineux, elle commençait à s’élever le long du versant à pic, d’où l’on domine le port de Camaret.

Une mélancolie tendre, inexpliquée, baignait son âme, caressait son corps, et c’était une sensation d’une douceur triste, où tout son être semblait fondre dans une détente générale. Subissait-elle l’influence de la nouvelle saison dans laquelle entrait la Bretagne, débarrassée des voiles gris qui l’enveloppaient depuis six mois ? Était-ce le résultat inconscient de choses nouvelles se produisant au fond de son cœur ? Elle allait, distraite, incapable de le dire, d’exprimer ce qu’elle ressentait, pensant qu’elle subissait l’émotion préventive de la visite qu’elle se préparait à faire, et l’influence du souvenir douloureux de la mort de Louise Dagorn.

La vue de Corentin lui ouvrit soudain le cœur ; elle lut couramment, nettement, au fond d’elle-même.

Oui, c’était cela, cela seul qui soulevait dans ses artères une vague de sang lui montant d’un coup jusqu’au cerveau, pour noyer sans retour les malsaines fumées, pour balayer à jamais les vertiges, au milieu desquels s’était jusqu’à ce jour apeurée sa raison, s’était débattue sa foi en l’homme qu’elle avait depuis longtemps choisi et qui, seul, pouvait lui donner le bonheur désiré.

Elle avait tant souffert de cette présence d’Hervé