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rocheuses, dans les grottes saintes. L’enterrement de la pauvre petite femme de cet humble gardien de sémaphore semble l’accomplissement de quelque vieille cérémonie celtique, déroulant son cortège sur le vieux sol d’Armorique, dans la saisissante complicité des brumes surnaturelles, au bruit heurté des flots furieux.

Refoulant ses larmes, raidi dans sa douleur, ses larges épaules de matelot serrées dans une courte redingote de drap noir commun, sa casquette à ancre d’or à la main, le visage absolument rasé de frais, comme une dernière toilette pour faire honneur à la défunte, Yves Dagorn marchait le premier après les porteurs et s’efforçait de ne regarder personne, de ne pas penser, afin de ne pas laisser éclater tout haut son désespoir.

Il fixait obstinément de ses yeux troubles quelques menues fleurettes, des bruyères roses, des feuilles vertes, accrochées dans les plis du drap mortuaire, et allait machinalement, à pieds butants parmi les pierres de la route.

Derrière lui, presque immédiatement, après un de ses frères, établi voilier à Camaret, après quelques parents, les Tréveneuc de Kermeur, venaient maître Guivarcʼh, Hervé, Balanec, Tonton Corentin, Marhadour, dont la joviale figure fondait en une expression inaccoutumée de navrement, Lagadec, Kerbonn, Tréboul, d’autres encore, précédant le groupe des femmes, où tante Rosalie et sa