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ce silence, volent çà et là, on ne sait où, venant on ne sait de quel point, et le coup de vent de grandes ailes siffle mystérieusement, sans qu’on puisse rien apercevoir. On dirait quelque rite sanglant s’accomplissant là, tout près, et que ces appels de cormorans, de mouettes ou de goélands soient le râle intermittent, demi-étouffé de victimes humaines sacrifiées à un culte barbare.

Puis, des voix sortent du brouillard humide, des pas trébuchent sur les granits du sentier, et des hommes, semblables à de lugubres fantômes, dessinent de vagues formes qui se heurtent aux marches de pierre avant de s’engouffrer sous la petite porte de la maisonnette. Le charpentier et ses ouvriers viennent d’apporter le cercueil ; ils se mettent à leur besogne : un bruit de marteau et de clous résonne caverneux entre les murs.

Yves Dagorn est sorti comme un fou, ne pouvant entendre l’horrible chose, et, dehors, tête nue sous la bruine qui frôle comme une toile d’araignée son visage, les mains tordues par une crise de désespoir, il sanglote éperdument, mêlant sa plainte d’homme à la plainte éternelle de l’Atlantique.

Des tintements de cloche, qui se prolongent, traînent et meurent par-dessus la lande, paraissent se transmettre étouffés à travers une ouate légère. Le malheureux se redresse, écoute, des larmes croulantes sur ses joues, la respiration