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fouiller les cailloux, pour le homard et l’écrevisse, enfin revenir à Camaret vendredi soir, samedi matin, selon le vent.

— Ah ! bien oui, — souffla Kerbonn. D’abord, au lieu de rester sous Beuzec, nous piquons droit sur Douarnenez, où le patron, après une consigne sévère, passe la journée et la nuit chez ces faillis Russes, toute cette mauvaise peuplade de Douarnenéziens, qui nous cognent toujours à coups de pierre quand on les rencontre sous le vent !… Voilà donc qui ne va pas bien !… Bon, lorsqu’il revient à bord, il était ivre qu’il n’y voyait plus !… Jamais, jamais, j’aurais cru ça de lui !… c’était la première fois, et il en disait, il en disait… nous nous entreregardons, pensant : « Ça va porter malheur !… »

De fait, depuis son retour à Camaret, pas une fois on n’avait vu Hervé Guivarcʼh s’arrêter dans les débits de boisson ; il ne refusait pas une politesse, un verre d’eau-de-vie par-ci par-là. Jamais on ne l’avait vu, sur le quai, aller à droite, à gauche, dans la folie lourde de l’ivresse bretonne, de ces gens de mer qui n’ont que ce vice, que cette distraction, que cet oubli de leur rude existence.

Aussi le récit de ses hommes étonna.

— Il était saoûl perdu ! — continua Lagadec. — Il embarque, la bouche pleine de mauvaises paroles, de jurons, tel que nous nous consultons un moment, demandant s’il faut lui obéir encore ou le crocher et le coucher à fond de cale… Mais