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firmée. Une dépêche sûre annonçait que la Proserpine avait péri corps et biens dans la dernière tempête qui avait eu lieu en octobre sur les côtes australiennes.

Pierre Guivarcʼh, profitant d’un bateau qui aillait à Brest, avait pu gagner Camaret sans plus tarder ; il avait trouvé son frère et sa belle-sœur plongés dans un désespoir d’autant plus épouvantable que, sur dix enfants, il ne leur restait maintenant qu’une fille, la petite Yvonne, alors âgée de six ans.

Après les avoir tant bien que mal consolés, avoir tenté de leur laisser encore quelque espoir, avoir raconté mainte et mainte histoire de bâtiment ainsi cru disparu et reparaissant après de longues et incroyables aventures, il avait été forcé de rejoindre, à Audierne, sa famille et son poste.

Jamais plus on n’entendit parler de la Proserpine.

Les mois, les années coulèrent ; les Guivarcʼh s’ensevelirent vivants dans leur deuil ; on les vit reprendre leurs habitudes, aller, venir, sans grosses marques extérieures de chagrin, dans l’espèce d’insensibilité apparente de ces races rudes ; le cœur secrètement troué, les veines taries du meilleur de leur sang, ils s’éteignirent à quelques jours de distance en 1878, onze ans après l’événement, l’année même où Pierre Guivarcʼh, étant nommé maître de port, venait s’installer près d’eux.