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uns de ceux qu’on avait débarqués, voyant le canot se rapprocher, s’étaient jetés à la nage pour tâcher de rejoindre et d’échapper à l’ennemi. J’en ramasse d’abord un, que je mets à l’aviron, puis un autre et ça commence à aller. On s’en sortira peut-être, que nous croyons ! — Les Russes tiraient toujours comme des enragés. J’embarque du monde, j’en embarque, j’en embarque pour tâcher d’en sauver le plus possible. Ah ! les mâtins, vous savez, ils m’en ont tué cinquante-neuf sur mon canot, cinquante-neuf !… Les bordages étaient troués de coups de feu, qu’il n’y avait pas un pied de bois sans trou ! Nous avons ramassé, après l’affaire, plus de trente balles mortes dans le fond !…

— Fichue position ! grogna Balanec changeant sa chique de côté et finissant par s’intéresser lui-même à cette histoire qu’il connaissait pourtant d’un bout à l’autre.

— …Enfin, j’avise un canot anglais, censé nos alliés à ce moment !…

Des murmures grondèrent à cette demi-restriction, et même un cri, où bouillait le vieux sang breton :

— Hou ! ces Anglais !…

— Espérez ! vous allez voir… Il était armé d’un obusier ; je le hèle, il ne répond pas et fait le sourd, avec la mine de filer de son côté, sans nous connaître ; mais nous étions plus, je l’aborde et je lui fais empoigner sa pièce…