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où il se trouvait pour attendre sa nomination de garde maritime.

Dans le pays, de bouche en bouche, la mauvaise chose avait couru, chuchotée d’abord très bas, puis gonflée en tempête qui balaie tout sur son passage : la Proserpine, perdue corps et biens, dans le voisinage de l’Australie, là-bas très loin, en des parages que peu, même parmi cette population d’anciens matelots, connaissaient.

Perdue corps et biens ! Plus rien, pas un homme, pas un tonneau, pas une épave ! Vite on s’informait si quelqu’un d’Audierne en était, et devant l’hôtel de Batifoulier, le fameux aubergiste, une voix avait crié :

— Y a le neveu à maître Guivarcʼh qu’est parti mousse !…

On ne le connaissait pas, ce gamin, car il y avait longtemps que le frère du maître de la marine, un nommé Thomas Guivarcʼh, avait quitté Audierne pour aller s’établir à Camaret, où il pêchait la sardine ; on savait seulement que c’était le propre neveu du futur garde maritime. Il n’en est pas moins vrai que le petit port fut en émoi : il y en avait un du pays dans la catastrophe, dans le malheur.

D’abord l’ancien marin, avec l’incrédulité de métier que finit par donner l’abus des fausses nouvelles de ce genre, se refusa à admettre ce bruit sinistre ; mais au commissariat la chose lui fut con-