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dans le brouillard épais de ce pauvre cerveau ?

Hervé, subitement attendri, intéressé, oublia sa méchante humeur ; il se pencha sur elle, lui prit la tête entre ses mains, rapprochant son visage du sien à le toucher :

— Tu me reconnais Yvonne ? je suis Hervé, ton frère, ton petit frère, Jean-Marie-Hervé !…

La tendresse de l’enfance coulait dans sa voix, apaisait les troubles farouches de son âme ; il lui semblait redevenir le petit enfant d’autrefois, sans vices, sans haines, celui que l’on citait comme l’un des meilleurs sujets du pays.

Chose étrange, il lui suffisait de se trouver seul avec l’innocente pour subir aussitôt cette impression, pour se transformer à son simple contact et voir s’envoler, se dissiper toutes les fumées nauséabondes qui lui empoisonnaient le cœur.

En ce moment, Corentin, Mariannik, l’accès de rage de l’instant précédent, la vapeur d’ivresse qui le jetait à un acte de folie, tout disparaissait, s’effaçait, et, au fond de lui, un être nouveau semblait naître, plein de tendresse. Une affectueuse inquiétude, quelque chose d’un dévouement de mère le faisant s’incliner au-dessus de la jeune fille, toujours agenouillée, ses mains pleines de brindilles, de bruyères, d’églantines ; il répéta, tremblant d’espoir :

— Jean-Marie-Hervé !…

Elle répondit, le timbre de sa voix baissant