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— Elle n’est pas morte !… pas encore !… Ne viens pas me la prendre !… Va-t-en !…

— Ah ça ! il est fou ! balbutia Hervé.

Déjà une détente se produisit dans la physionomie contractée de Dagorn, il secoua la tête, passa à plusieurs reprises la main sur ses yeux comme pour en chasser une vision funèbre, et, examinant quelques instants son visiteur, fit :

— Pardon ! pardon !… Oui, c’est bien toi, je te retrouve, malgré les années, la barbe !… C’est vrai ; je ne me rappelais plus !… Est-ce que je sais comment je vis depuis des semaines !… J’ai tant de chagrin !… Oh ! oh !… C’est trop aussi !…

Ses doigts se tendirent vers son ancien camarade, et il le serra dans ses bras, sanglotant.

— Si tu savais, mon pauvre Guivarcʼh ?… Ma femme…

Il ne put achever, la gorge nouée, la poitrine hoquetante, et il fallut plusieurs minutes avant qu’il pût expliquer ce qui lui arrivait.

Sa femme se mourait, une femme qu’il adorait, épousée un an auparavant, et il en perdait quasiment la tête, attendant de jour en jour, peut-être d’heure en heure, la catastrophe finale.

Il avait bien appris, vaguement, que son ancien ami Hervé était revenu, qu’il n’était pas mort ; mais rien de ce qui n’était pas sa douleur ne l’occupait, et il n’avait plus pensé à cet événement. Si bien que l’entrée subite de celui à qui on don-