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et qui venait violemment frapper aux narines Hervé, maintenant déshabitué de cette atmosphère affadissante, composée d’éléments si divers ; aucune ne paraissait sentir la fatigue.

Il finit cependant par se lasser de ce spectacle toujours le même ; après un dernier regard à sa sœur, qui travaillait aussi activement que ses compagnes, il s’éloigna, bercé par un refrain qui remplissait la friture d’un héroïque et énorme grondement :

Ann aour ieolen a zo falcʼhet :
Brumenni raktal en deuz gret.
Argad !

Ce beau chant de combat célébrant le grand roi breton qui délivra ses compatriotes d’un tribut onéreux jusqu’alors payé aux Francs, et dont le souvenir traverse encore les veillées de Bretagne :

L’herbe d’or est fauchée ;
Il a bruiné tout à coup.
Bataille !

Sur le quai, personne ; tout Camaret dormait, tandis que l’innocente réveillait ainsi du poudreux sommeil de la tombe les héros d’autrefois.

Instinctivement, lorsqu’il passa devant le bureau du port, le jeune homme leva la tête. Là-haut,