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l’étoile blanche du Petit-Minou, indiquant les falaises du Léon.

Rien autre, rien que la nuit, et une sensation d’immensité accrue par la caresse brutale du vent du large, une sensation de sombre chaos, où passait un rude et monotone murmure, le râle traînant de la mer dans les galets, sous un ciel invisible, sans lune, sans étoiles, opaque comme le Néant.

Sa sœur Yvonne conduite jusqu’au seuil de l’usine, des heures, pensif, Hervé Guivarcʼh resta sur le quai, remué d’émotions jeunes, plongeant son esprit dans l’abîme de ses souvenirs, en écoutant tantôt l’incessant tapage des travailleuses, tantôt la voix grave de l’Atlantique.

Des exclamations de plaisir avaient accueilli l’entrée de l’innocente ; de tous côtés des exclamations amicales l’appelaient :

— Yvonne, par ici, mon amour !

— Mon cœur, je t’ai réservé une belle place !

— Yvonne, vite une chanson !

— Yvonne, une belle histoire d’autrefois !

Yvonne par-ci, Yvonne par-là ! Elle n’eût su à laquelle entendre, si l’une des contremaîtresses n’était venue la prendre par la main pour la placer au centre même de l’usine.

— Là, bien que mêlée aux friturières, paysannes massives, à la taille carrée, aux hanches lourdes, à la tournure sans grâce, elle s’en distinguait par sa fine tête d’inspirée, par ses yeux en étoiles et