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de la Proserpine ou lorsqu’elle voyait, au cimetière, la tomba vide de l’infortuné cousin.

Comment se faisait-il que, depuis son retour, elle n’ait encore eu aucune de ces réflexions qui, en ce moment, l’assiègent comme un vol d’oiseaux brusquement arrachés à leur profonde retraite !

Tous les jours elle le voit, tous les jours ils prennent leurs repas à la même table, tous les jours, elle cause, elle rit avec lui, éprouvant une joie sincère à se trouver dans sa société, mais n’ayant jamais prévu qu’un danger pouvait se cacher sous cette quotidienne fréquentation.

Pour la première fois elle en a conscience, et une vague sensation de frayeur commence à la glacer.

Qu’a-t-il pu espérer ? Que croit-il ? Que veut-il ?

Tour à tour ses joues deviennent rouges ou plus pâles encore que d’habitude ; ses doigts se crispent sur son ouvrage et, pour se défendre, pour mieux lutter, c’est le nom de Corentin Garrec qu’elle appelle.

Celui-là, elle l’aime ; si, jusqu’à présent, il n’y a pas eu entre eux d’engagement absolument solennel, de formelle promesse, leurs yeux se sont rencontrés dans la même pensée, dans le même espoir, dans le même désir ; leurs cœurs sont d’accord : elle sera sa femme.

Cela suffit à établir mentalement en elle un parallèle entre les deux hommes ; elle voudrait s’y opposer qu’elle ne le pourrait pas.