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Du trouble envahit son cœur, soulève à gros soupirs son corsage sous le fichu croisé, car cette évocation d’Yvonne ramène plus net devant elle le souvenir de Jean-Marie-Hervé.

Tout vient de là, elle le devine bien. Cette conversation de ce soir, l’insinuation caressante qui l’a terminée, lui ont brusquement ouvert les yeux ; la tendresse dont l’entoure son cousin n’est pas, comme elle l’a cru jusqu’à présent, une affection purement fraternelle : elle s’est transformée en amour.

Sa nature simple et primitive, livrée à ces choses subtiles, à cette sorte d’analyse irraisonnée d’elle-même, est profondément bouleversée, en proie à un trouble qui va grandissant, s’étendant à tous ses actes comme à toutes ses pensées.

N’a-t-elle pas involontairement encouragé ce sentiment par l’accueil qu’elle a fait à ce parent si étrangement retrouvé, à ce jeune ami d’enfance, qu’elle se rappelait à peine, mais dans le souvenir duquel elle avait été presque constamment bercée, grâce à Yvonne, grâce aux mille petits faits de leur existence en commun ?

Que de fois elles ont parlé ensemble du pauvre disparu, l’une consciente, l’autre inconsciente des confidences échangées ! Que de fois le cœur de Mariannik s’est ouvert à fond, avec un sentiment d’apitoiement si facile, si prompt, si prenant chez les femmes, lorsqu’il était question du naufrage