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les autres, bavardant et riant en laissant retomber pesamment leurs sabots sur les dalles du quai ou le cailloutis du chemin, les pêcheurs, le béret bleu sur leur chevelure en désordre, le menton mal rasé, la chique bosselant la peau de la joue, portaient, accroché à chaque bras par l’anse, le panier rond de deux cents sardines, et se dirigeaient vers la friture, qui avait acheté la pêche.

Ils arrivaient, la face aguichée, luisante, dans la satisfaction du gain à toucher, s’engouffraient par la grande porte béante, leurs pieds glissant dans le ruisseau d’eau ensanglantée et fétide roulant sans interruption hors de la fabrique en travail.

L’immense salle était en rumeur, voix de femmes jacassant à gorge perdue, chansons bretonnes remuant, sous la sonorité du haut plafond formé par le toit de tuiles rouges et de charpentes, des refrains monotones et dansants, où ronflait un vague écho de biniou, une aigre fusée de musette pleurarde. Parfois, l’une entamait tout à coup un air connu, que toutes reprenaient avec un étonnant sentiment musical.

C’étaient paniers sur paniers que l’on versait sans discontinuer dans la longue auge de bois pleine de sel, où l’on jetait les sardines à leur arrivée dans l’usine, avant de leur couper la tête et de les vider.

Un frétillement d’écailles d’argent coulait comme