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C’est au-delà des Tas-de-Pois, en face de l’anse de Dinan, au large, assez loin en mer, sur les trois heures de l’après-midi.

Un temps grisonnant, aux nuages ronds roulant haut au-dessus de la mer, brumeuse par places, et, de temps à autre, éclairée d’un rayon de soleil qui traverse les voiles blanchâtres du brouillard. À peine une écume légère bouillonne autour de la Chèvre et du Chevreau, les deux écueils voisins de la Pointe de Dinan. L’eau très calme a une teinte plate toute grise, d’un gris d’étain en fusion, zébré çà et là d’une bande plus claire miroitante près des côtes.

Au loin un liquide laiteux, étrange, d’un vaporeux opaque, entre ciel et mer, sur lequel se dressent des quantités de voiles, barques de pêcheurs cherchant encore le poisson, paraissant flotter entre la cotonneuse lourdeur des nuages et la barre rigide de l’horizon, si bien qu’on ne sait plus si c’est le ciel ou l’Océan. C’est un effet singulier, un peu fantomatique, comme de barques défuntes courant des bordées dans des espèces de limbes, fantômes de bateaux qui auraient péri et que des ombres conduiraient.

Le soleil baisse de plus en plus derrière l’épaisseur blafarde, qui lui forme une sorte de linceul ; la Marie-Anne pêche, découpant la silhouette étrange de son équipage, en noir sur tout ce blanc.

Hervé a terminé sa besogne de patron, Lagadec