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confiance, comme si, enfant du pays, il n’avait jamais quitté Camaret.

Trois des plus pauvres pécheurs, Lagadec, Tréboul et Kerbonn, acceptèrent de faire partie de la Marie-Anne et il choisit comme mousse un filleul de Garrec, Pierrik, un petit gars bien râblé, dur d’échine, souple, malin comme un singe et que, dans le pays, ses camarades appelaient par manière de plaisanterie le Macaque, en raison de ses grimaces, de ses yeux rapprochés, tout petits, de son agilité et de ses farces.

Alors il prit à son tour la mer. Au début il ne fut pas heureux ; on eût dit que, subitement, le poisson avait disparu. On avait beau jeter de la rogue, varier les appâts, c’est à peine si les barques revenaient avec quelques centaines de sardines.

Quelques-uns grognaient sourdement, faisant remarquer que cela avait justement coïncidé avec la première sortie de la Marie-Anne, et accusaient tout bas le Revenant de leur porter malheur.

Une certaine jalousie était venue de lui voir prendre la mer, lui, ce naufragé, avec un bateau flambant neuf, taillé à la manière de Douarnenez, meilleur marcheur que ceux de Camaret, plus rapide à se porter aux bons endroits et coupant en quelque sorte l’herbe sous le pied aux amis, leur volant leur pêche. Tonton Corentin, en présence de cette sourde hostilité, prit résolument parti