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du bateau, analysant de l’œil cette richesse et se disant que bientôt ce sera son tour, que lui aussi ramènera ses filets emplis à craquer, et qu’il reconstituera cette fortune que l’Océan lui a volée, que l’Océan lui doit. Sa pensée ne s’arrête plus seulement à cette étroite idée de richesse ; un espoir a peu à peu grandi on lui et s’affermit à mesure que le calme renaît dans son cerveau troublé par la succession des événements.

Il a songé que cette maisonnette qu’il va meubler serait bien triste à habiter tout seul ; déjà un peu grisé par le bon accueil de sa cousine, se figurant qu’un sentiment plus doux que la pitié, plus tendre que l’affection naturelle pour un parent, la conduit vers lui, il sent son cœur battre à l’évocation du bonheur possible et se promet :

— Mariannik sera ma femme !

Justement il l’aperçoit, qui sort de chez elle et semble chercher quelqu’un sur le quai. Il va pour se diriger au-devant d’elle, quand, soudain, il s’arrête, pâlissant, la gorge serrée d’une affreuse angoisse ; ce n’est pas lui qu’elle voit, c’est à un autre que s’adresse son sourire, à Corentin Garrec.

— Lui ! fait-il d’une voix étouffée.

Toute sa joie a disparu ; un mauvais remous de colère, de jalousie, de haine, roule au fond de son être bouleversé ; c’est à dents serrées, les yeux brillants et durs d’une flamme féroce, qu’il gronde :

— Lui !…