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Elle dénigra les usages de Pont-l’Évêque, fit la princesse, blessa Félicité. Mme Aubain, à son départ, sentit un allégement.

La semaine suivante, on apprit la mort de M. Bourais, en basse Bretagne, dans une auberge. La rumeur d’un suicide se confirma ; des doutes s’élevèrent sur sa probité. Mme Aubain étudia ses comptes, et ne tarda pas à connaître la kyrielle de ses noirceurs : détournements d’arrérages, ventes de bois dissimulées, fausses quittances, etc. De plus, il avait un enfant naturel, et « des relations avec une personne de Dozulé ».

Ces turpitudes l’affligèrent beaucoup. Au mois de mars 1853, elle fut prise d’une douleur dans la poitrine ; sa langue paraissait couverte de fumée, les sangsues ne calmèrent pas l’oppression ; et le neuvième soir elle expira, ayant juste soixante-douze ans.

On la croyait moins vieille, à cause de ses cheveux bruns, dont les bandeaux entouraient sa figure blême, marquée de petite vérole. Peu d’amis la regrettèrent, ses façons étant d’une hauteur qui éloignait.

Félicité la pleura, comme on ne pleure pas les maîtres. Que Madame mourût avant elle, cela troublait ses idées, lui semblait contraire à l’ordre des choses, inadmissible et monstrueux.

Dix jours après (le temps d’accourir de Besan-