Page:Gustave Flaubert - Trois contes.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

promenade, ce qui voulait dire : « Je n’y pensais pas !… Au surplus, je m’en moque ! un mousse, un gueux, belle affaire !… tandis que ma fille… Songez donc !… »

Félicité, bien que nourrie dans la rudesse, fut indignée contre Madame, puis oublia.

Il lui paraissait tout simple de perdre la tête à l’occasion de la petite.

Les deux enfants avaient une importance égale ; un lien de son cœur les unissait, et leurs destinées devaient être la même.

Le pharmacien lui apprit que le bateau de Victor était arrivé à la Havane ; il avait lu ce renseignement dans une gazette.

À cause des cigares, elle imaginait la Havane un pays où l’on ne fait pas autre chose que de fumer, et Victor circulait parmi des nègres dans un nuage de tabac. Pouvait-on « en cas de besoin » s’en retourner par terre ? À quelle distance était-ce de Pont-l’Évêque ? Pour le savoir, elle interrogea M. Bourais.

Il atteignit son atlas, puis commença des explications sur les longitudes ; et il avait un beau sourire de cuistre devant l’ahurissement de Félicité. Enfin, avec son porte-crayon, il indiqua, dans les découpures d’une tache ovale, un point noir, imperceptible, en ajoutant « Voici. »

Elle se pencha sur la carte ; ce réseau de lignes