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transfigurer, égalent ce livre aux plus beaux et aux plus renommés d’entre les poèmes. Mais je ne puis résister au désir d’en transcrire ici quelques lignes :

« Alors le lépreux l’étreignit ; et ses yeux tout à coup prirent une clarté d’étoiles ; ses cheveux s’allongèrent comme les rais du soleil ; le souffle de ses narines avait la douceur des roses ; un nuage d’encens s’éleva du foyer ; les flots chantaient. Cependant une abondance de délices, une joie surhumaine descendait comme une inondation dans l’âme de Julien pâmé, et celui dont les bras le serraient toujours, grandissait, grandissait, touchant de sa tête et de ses pieds les deux murs de la cabane. » Voilà une citation bien courte ; mais qu’importe, puisqu’on lira tout le livre ?


Le Gaulois, 4 mai 1877 (Fourcaud).

… Si je me suis bien fait comprendre, on a vu trois signes caractériser l’écrivain : l’exactitude logique, le sens poétique et le goût — excessif quelquefois — de l’archéologie. Et des qualités qui en dérivent, répandues sur son œuvre entier, se rencontrent ensemble et concentrées dans les Trois Contes nouveaux dont il est bruit. Qui connaît Flaubert l’y retrouve entier, et qui ne le connaît pas l’y apprend.

Le premier est un petit roman de mœurs : Un Cœur simple, l’histoire d’une humble servante à qui rien ne réussit. Jeune, son amoureux l’abandonne ; ses maîtres la battent et la chassent ; plus âgée, un neveu qu’elle aime comme un fils meurt loin d’elle. Elle entre chez une maîtresse dont la fille expire quand elle s’est bien attachée à cette enfant. Un perroquet qu’on lui donne meurt empoisonné. Tout pour elle se change en chagrin, jusqu’à sa mort. Les détails vivants affluent dans cette étude touchante. On y reconnaît l’auteur de Madame Bovary à de certaines touches et à l’exagération après coup de ces touches. Par exemple quand la vieille fille a perdu son perroquet, elle le fait empailler, et, chaque soir, elle ressasse devant lui ses prières. À