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trompe-l’œil ; vous avez vu des âmes et les avez fait voir. Le Cœur simple m’a paru une étude psychologique magistrale. J’ai pleuré une seconde fois en lisant cette féerique Légende de Saint Julien. J’ai eu des éblouissements dans les yeux en lisant Hérodias. Me permettez-vous deux ou trois remarques de détail ?

1o  Dans cette dernière, à la page 211, vers le milieu, au paragraphe finissant par « l’impie Achab », n’y a-t-il pas quelque obscurité, quelque chose d’oublié ou tout au moins quelque vice de ponctuation ?

2o  Page 125, en haut, vous dites « extirper des trésors » ; le mot extirper, en prenant sa signification étymologique de stirps, racine, se dit très bien de tout ce qui tient à un homme comme ses sentiments, ses vertus ou ses vices, qui sont comme une végétation. Mais les trésors tiennent-ils d’assez près à la personne, même d’un empereur, pour dire « en extirper des trésors » ? N’est ce pas une faute d’impression pour « extorquer » ?

Pardon de ce pédantisme. Merci pour votre gracieux envoi et pour tout le plaisir que m’a donné cette lecture.

Bien à vous.

A. Sabatier.______




Menthon-Saint-Bernard,
4 mai.

______Mon cher Flaubert,

Je partais pour la campagne le jour où votre livre m’est arrivé. Je l’ai lu deux fois, et je vous en fais tous mes compliments, chaque conte est un tout complet, savamment pondéré ; on reconnaît le maître, l’homme sait composer, harmoniser tous ses effets, et ne lâche pas un trait, pas un mot qui ne concoure à l’impression finale. De plus votre calme, votre perpétuelle absence est toute-puissante ; comme disait Tourguéneff, cela coupe le fil ombilical qui rattache presque toujours une œuvre à son auteur.

À mon avis, le chef-d’œuvre est Hérodias. Julien. est très vrai,