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petite église, où je faisais voir aux fidèles les images en argent de saint Paul, d’Homère, de Pythagore et de Jésus-Christ.

Je n’ai gardé que la sienne.

Elle entr’ouvre son manteau.

La veux-tu ?

une voix.

Il reparaît, lui-même, quand nous l’appelons ! c’est l’heure ! Viens !

Et Antoine sent tomber sur son bras une main brutale, qui l’entraîne.
Il monte un escalier complètement obscur ; — et après bien des marches, il arrive devant une porte.
Alors, celui qui le mène (est-ce Hilarion ? il n’en sait rien) dit à l’oreille d’un autre : « Le Seigneur va venir. » — et ils sont introduits dans une chambre, basse de plafond, sans meubles.
Ce qui le frappe d’abord, c’est en face de lui une longue chrysalide couleur de sang, avec une tête d’homme d’où s’échappent des rayons, et le mot Knouphis, écrit en grec tout autour. Elle domine un fût de colonne, posé au milieu d’un piédestal. Sur les autres parois de la chambre, des médaillons en fer poli représentent des têtes d’animaux, celle d’un bœuf, d’un lion, d’un aigle, d’un chien, et la tête d’âne — encore !
Les lampes d’argile, suspendues au bas de ces images, font une lumière vacillante. Antoine, par un trou de la muraille, aperçoit la lune qui brille au loin sur les flots, et même il distingue leur petit clapotement régulier, avec le bruit sourd d’une carène de navire tapant contre les pierres d’un môle.
Des hommes accroupis, la figure sous leurs manteaux, lancent, par intervalles, comme un aboiement étouffé. Des femmes sommeillent, le front sur leurs deux bras que soutiennent leurs genoux, tellement perdues dans leurs voiles qu’on dirait des tas de hardes le long du