J’ai remis à flot la montagne noyée et, sur mon dos de tortue, j’ai porté le monde. De mes défenses j’ai éventré le géant. Je suis devenu lion, je suis devenu nain. J’ai été brahmane, guerrier, laboureur. Avec un soc de charrue, j’ai exterminé un monstre à mille bras, j’ai fait beaucoup de choses, des choses difficiles, prodigieuses ! Les créations passaient, moi je durais, et comme l’Océan qui reçoit tous les fleuves, sans en devenir plus gros, j’absorbais les siècles.
Qu’est-ce-donc ?… Tout chancelle… où suis-je ? qui suis-je ? Faut-il prendre ma tête de serpent ?
Ah ! plutôt la queue de poisson qui battait les flots !
Si j’avais la figure du solitaire ?
Eh non ! C’est la crinière du cheval qu’il me faut !
Hennissons ! levons le pied !… Oh ! le lion !
Oh ! mes défenses !
Toutes mes formes tourbillonnent et s’échappent, comme si j’allais vomir la digestion de mes existences. Des âges arrivent. Je grelotte comme dans la fièvre.
Je suis la terre ! je suis l’eau ! je suis le feu ! je suis l’air ! je