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Je pense à Théro ma nourrice, à Bellone ma compagne, à mes Saliens qui dansaient d’un pas lourd en frappant leurs boucliers, et je me sens plus triste que ce soir de ma jeunesse où, blessé par Diomède, je suis remonté dans l’Olympe me plaindre à Jupiter.

La Mort lui donne de grands coups de fouet sur son bouclier, qu’il met sur sa tête pour se garantir, il crie :

À moi ! à moi ! au secours !

la mort
riant.

Oui, va, dépêchez-vous donc ! Plus vite ! encore ! quels bavards que tous ces dieux.

cérès
assise dans un char dont les moyeux sont deux ailes de cygne qui le font aller tout seul. Le char s’arrête, le flambeau que la déesse porte à la main s’éteint.

Arrête-toi ! puisque Neptune ne me poursuit plus, puisque je n’ai pas retrouvé ma fille, puisque j’ai parcouru toute la terre. Ne vas pas plus loin ! à quoi bon ? arrête-toi !

Elle prend de dessous elle une serviette d’or et s’en essuie les yeux.

Maintenant les hommes sont ennuyés de moi, le blé de lui-même pousse dans leurs sillons.

Hélas ! hélas ! je ne reverrai plus Proserpine resplendissante, qui s’ébattait en liberté dans les pousses vertes des moissons, car elle est descendue chez Pluton ; elle n’en sortira pas.

Femmes des Athéniens, qui portez des cigales d’or dans vos chevelures et dont les voiles s’agitent au vent des promontoires, vous qui emmaillotez vos enfants avec la robe usée des mystères, qui couchez sur la sarriette sauvage, et qui mangez de l’ail pour dissiper la vapeur des parfums, sortant un soir d’automne par la Porte sacrée, derrière le char qui traîne la Corbeille, toutes en rang, la tête basse et les pieds nus, vous ne recevrez plus l’injure obscène des gens qui vous attendent sur le pont de Céphise !

neptune
empêtré, comme à Élis, dans trois robes mises l’une par-dessus l’autre ; il manque de tomber à tous les pas et s’appuie pour marcher sur son trident.

Qu’est-ce que cela ? on se moque de moi maintenant ? je ne