près le ruisseau des écuries, à m’épater tout de mon long dans la bousée claire des petits veaux !
Bah ! à quoi bon ? le bonheur, je le sais, n’est pas dans ce qu’on rêve. Comme une flèche lancée contre un mur, toujours le désir échappe, rebondit sur vous et vous traverse l’âme. Pour souffrir, j’ai longtemps jeûné ; pour être pur, je me suis mortifié ; pour aimer, j’ai versé bien des pleurs ; et mon corps ne sentait rien, mon cœur n’était point chaste, l’amour n’arrivait pas ! l’amour n’est jamais venu ! j’ai toujours été sec et sans tendresse. Toutes ces œuvres de dévotion que j’accomplis je ne sais pourquoi… parce que l’habitude en est prise… qu’il le faut… mais au fond je n’aime pas Dieu… non ; je ne sais pas d’abord qu’est-ce que c’est, je n’ai jamais pu m’en faire une idée et je commence à la fin…
Ah !
Quelle tristesse ! quelle misère ! est-ce que je ne me débarrasserai pas de ce colossal ennui qui m’écrase ?
J’ai vu jadis le cadavre d’un noyé ; les ondes en le roulant l’avaient rincé dans tous ses pores, et de loin sur le sable sa chair mate brillait. Mon cœur est plus pâle que ce cadavre ; il a comme lui, sans qu’aucun s’en soucie, passé bien des jours à se laver dans les abîmes qui l’ont mis en pourriture, et le désespoir aux grandes ailes s’abat dessus comme une nichée de vautours, et voilà qu’il se décompose sur la grève !
Ah ! la nuit est froide.
Je sens peser sur mon âme comme des linceuls mouillés, j’ai la mort dans le ventre.
Un — deux — trois — quatre — cinq — une — deux — une — deux.