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dans les valves nacrées et dans les chauds utérus, se forment en silence les perles et les hommes ? qu’est-ce qui fait que les aigles sans tomber se soutiennent au-dessus des nuées, et que les taupes sans étouffer se promènent sous la terre ? quelles notes a-t-on prises pour arranger les modulations du vent, les cris de l’oiseau, le frôlement des feuilles, le hurlement de la mer. Je veux savoir tout, je veux entrer jusqu’au noyau du globe, je veux marcher dans le lit de l’océan, je veux courir à travers le ciel, accroché à la queue des comètes. Oh ! je voudrais aller dans la lune pour entendre sous mes pieds craquer la neige argentée de ses rivages et pour descendre dans ses crevasses souterraines.

l’orgueil.

Je n’entends pas ce que tu dis, tu m’ennuies toujours de tes soupirs.

les péchés.

Que dit-il ? que lui faut-il ?

l’avarice.

Veux-tu venir avec moi ?

la science.

Non ! Que peux-tu pour ma misère ? je te connais, j’ai poli tes diamants, j’ai battu tes pièces d’or, j’ai tissé ta soie sur mes métiers. Qu’est-ce que cela me fait, tes richesses ? le retentissement de tes splendeurs n’est pas capable de faire lever ma tête.

la gourmandise.

Veux-tu venir avec moi ?

la science.

Non ! pas de toi ! Que m’importent tes flacons et tes viandes ! je sais faire pousser la vigne et comment se chassent les bêtes ; tes festins m’ennuient. Manger, c’est toujours la même chose.

l’envie.

Veux-tu venir avec moi ?

la science.

Avec toi ? non ! Qu’en ai-je besoin ? Je n’ai pas de haine ; par