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les péchés
entourant la Science.

Ah ! c’est toi, petit, te voilà ?

la science.

Oui, c’est moi, moi toujours. Mais laissez-moi, je n’ai que faire de vous.

l’orgueil.

Ah ! c’est toi ! que veux-tu ?

la science.

Ce que je veux ?

regardant l’Orgueil et se mettant à pleurer.

Oh ! tu me battrais ! Déjà tu lèves ton bras.

l’orgueil.

Non, parle, conte-moi tout.

la science
boudant.

Eh bien, j’ai faim, na ! j’ai soif, entends-tu ? j’ai envie de dormir, j’ai envie de jouer.

l’orgueil
souriant et levant les épaules.

Bah ! bah ! bah !

la science.

Si tu savais comme je suis malade, comme les paupières me cuisent, quels bourdonnements j’ai dans la tête ! Ô Orgueil, ma mère, pourquoi me contrains-tu à ce métier d’esclave ? Tu me fais casser des pierres et courir après les feuilles, mes ongles sont noirs de toute la poussière que je remue, et je grelotte à la bise avec mes coudes percés. Quand parfois je sommeille un peu, tout à coup j’entends le sifflement de ton fouet qui me claque aux oreilles et qui me balafre la figure — oh ! laisse-moi finir — je me réveille en sursaut, je prends ma tête dans mes mains, je