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antoine.

Il est vrai, seigneur, tout mon temps étant consacré à la religion.

damis.

Lui aussi ; aussi est-il devenu sage comme Salomon, croyant comme saint Paul.

antoine
à part.

En effet, il a je ne sais quoi qui respire la sainteté ; je voudrais bien lui parler, je me sens attiré vers lui… mais j’ai tort peut-être, car…

damis.

À quoi songez-vous donc que vous ne parlez plus ?

antoine
réveillé de sa rêverie.

Je songe… Oh ! rien !… Ne pourrait-on savoir comment il s’y est pris pour acquérir cette sagesse ? est-ce par la foi ? par les œuvres ?

damis.

Je ne saurais vous répondre, jamais je ne lui adresse de questions qu’avec sa permission.

Bas à l’oreille de saint Antoine.

Et même je vous avouerai que j’en ai presque peur.

Apollonius reste toujours immobile.
antoine.

Il a l’air doux, pourtant.

damis.

Parlez-lui vous-même… Voyez !… il vous répondra peut-être.

Ah ! si vous l’entendiez ! il parle mieux que saint Paul. Voulez-vous ?

Damis se rapproche d’Apollonius, fait plusieurs tours autour de lui, la taille courbée et sans lever la tête.
À la fin Apollonius, toujours immobile, lève les yeux sur lui.